Le taux de roulement, ou turnover, est un indicateur RH qui mesure la fréquence de renouvellement des effectifs d'une entreprise sur une période donnée. Il exprime le ratio entre les employés qui quittent l'organisation (départs) et l'effectif moyen de cette même période. C'est un KPI essentiel pour évaluer la santé sociale, l'engagement des collaborateurs et la rétention des talents.
Taux de roulement : Définition, calcul et leviers d’action
Un taux de roulement élevé n'est pas qu'une statistique : c'est un coût direct et un symptôme de désengagement. Selon une analyse de Gartner, le coût de remplacement d'un salarié peut atteindre 1,5 à 2 fois son salaire annuel.
En France, bien que le marché se stabilise après les pics de la "Grande Démission", le taux de démission (une composante majeure du roulement) reste à des niveaux historiquement hauts selon la DARES. Comprendre, calculer et maîtriser cet indicateur n'est plus une option ; c'est une nécessité stratégique pour les équipes RH et Finance qui cherchent à piloter la performance de l'organisation.
Cet article vous guide à travers la définition, le calcul et l'interprétation de ce KPI incontournable.
Qu’est-ce que le taux de roulement ?
Le taux de roulement, aussi appelé "rotation du personnel", mesure le rythme auquel les collaborateurs entrent et sortent d'une entreprise.
C'est un indicateur dynamique : il ne mesure pas un stock (comme l'effectif à un instant T), mais un flux (le mouvement des salariés).
Bien qu'un certain niveau de roulement soit sain et nécessaire pour apporter de nouvelles compétences, un taux élevé est presque toujours un signal d'alarme. Il peut révéler des problèmes structurels liés au management, à la culture d'entreprise ou aux perspectives d'évolution.
Il est cependant crucial de ne pas le confondre avec un terme proche.
Taux de roulement vs. Taux d’attrition : ne pas confondre
Ces deux termes sont souvent utilisés de manière interchangeable, à tort.
• Le Taux de Roulement : Il mesure les départs qui sont (ou seront) remplacés. L'intention est de maintenir l'effectif. C'est l'indicateur de la rétention et de l'attractivité.
• Le Taux d’Attrition : Il mesure les départs non remplacés. Cela inclut typiquement les départs à la retraite non remplacés ou les suppressions de poste lors d'une restructuration. Il mesure une baisse volontaire de l'effectif.
Pour un pilotage RH efficace, c'est bien le taux de roulement qu'il faut analyser en priorité, car il reflète directement la capacité de l'entreprise à retenir ses talents.
Comment calculer le taux de roulement ?
Le calcul du taux de roulement doit être rigoureux pour être pertinent. S'il peut être effectué annuellement (pour un bilan social type BDESE), nous recommandons un suivi trimestriel, voire mensuel, pour détecter les tendances plus rapidement.
La formule de calcul du taux de roulement
La formule la plus couramment utilisée et la plus simple à mettre en œuvre est la suivante : Taux de Roulement = (Nombre de départs sur la période N) / (Effectif moyen sur la période N) x 100
Pour l'appliquer correctement, il faut définir précisément les deux composantes :
1. Effectif moyen sur la période (N) :C'est la moyenne des salariés présents. On l'obtient simplement :(Effectif au début de la période + Effectif à la fin de la période) / 2.
2. Nombre de départs sur la période (N) :C'est ici que la précision est vitale. Vous devez inclure tous les départs qui entraînent un remplacement :
- Les démissions.
- Les licenciements (pour faute ou économiques).
- Les ruptures conventionnelles.
- Les fins de période d'essai (qu'elles soient à l'initiative de l'employeur ou du salarié).
Quels départs exclure du calcul ? Pour que votre indicateur ne soit pas faussé, excluez les mouvements qui ne reflètent pas un problème de rétention :
- Les départs à la retraite.
- Les fins de contrat temporaire (CDD, apprentissage, stages).
- Les congés longue durée (maternité, paternité, congé sabbatique).
- Les mobilités internes (le collaborateur ne quitte pas l'entreprise).
Un calcul manuel sur Excel est possible, mais devient rapidement chronophage et complexe à mesure que l'effectif grandit.
Pourquoi le taux de roulement est un indicateur stratégique (et financier) ?
Le taux de roulement n'est pas un simple chiffre à reporter dans votre BDESE. C'est un des indicateurs les plus critiques pour la santé de l'entreprise, car son impact est double : il affecte la performance et il génère des coûts financiers directs.
Les équipes qui subissent un taux de roulement élevé sont constamment en "mode dégradé". L'énergie collective n'est pas tournée vers la performance, mais vers la compensation des départs et la formation des nouveaux. Cela impacte la qualité de service, la cohésion d'équipe et la capacité d'innovation.
Comment interpréter votre taux de roulement ?
Un taux de roulement de 10 % peut être excellent pour un secteur comme le retail et catastrophique pour une industrie de pointe. L'interprétation de cet indicateur est plus importante que le chiffre lui-même.
Pour lui donner du sens, vous devez le segmenter.
La distinction clé : taux de roulement volontaire vs. involontaire
Analyser le taux de roulement global, c'est comme regarder sa vitesse moyenne sur un trajet : vous ne voyez ni les accélérations ni les freinages. Pour un pilotage efficace, vous devez distinguer :
• Le roulement volontaire (Démissions) : C'est le chiffre le plus important. Un salarié qui démissionne est un salarié que vous n'avez pas su retenir. Une hausse de ce taux est un signal direct d'insatisfaction, d'un management défaillant, ou d'une inadéquation between votre offre et celle du marché (salaire, flexibilité, perspectives).
• Le roulement involontaire (Licenciements, ruptures de période d'essai employeur) : Ce taux reflète davantage votre stratégie de gestion de la performance ou d'éventuelles restructurations.
Cette segmentation est la première étape. Un turnover global de 12 % peut paraître élevé, mais s'il est composé de 2 % de démissions et 10 % de licenciements pour performance, le plan d'action ne sera pas le même que s'il est composé de 10 % de démissions et 2 % de licenciements.
Qu’est-ce qu’un « bon » ou un « mauvais » taux de roulement ?
Spoiler : il n'existe pas de "bon" taux de roulement universel. L'objectif n'est jamais d'atteindre 0 %.
• Un taux trop bas (< 5 %) peut être aussi inquiétant qu'un taux élevé. Il peut signifier une stagnation, un manque de renouvellement des compétences, ou une "rétention subie" (les salariés restent par confort mais sont désengagés).
• Un taux élevé (souvent > 15 %) signale une instabilité et des coûts importants, comme nous l'avons vu.
• Un taux "sain" (souvent entre 5 % et 15 %) permet d'injecter de nouvelles idées et compétences sans déstabiliser l'organisation.Le plus important n'est pas le chiffre à un instant T, mais sa tendance (Est-il en hausse ou en baisse ?) et son contexte (Comment se compare-t-il à la moyenne de notre secteur ?).
Quels sont les benchmarks du taux de roulement en France ?
Se comparer est essentiel pour contextualiser sa performance. Si votre entreprise affiche un taux de roulement de 15 %, mais que votre secteur est à 25 %, vous êtes en réalité en train de surperformer.
En France, le marché de l'emploi reste dynamique. La DARES (Ministère du Travail) note que le taux de démission, la principale composante du roulement volontaire, se maintient à un niveau élevé (autour de 2,7 % par trimestre fin 2023), bien supérieur à la moyenne de la décennie 2010.
Les benchmarks varient fortement selon les secteurs d'activité :
- Tech (SaaS, ESN) : C'est l'un des secteurs au turnover le plus élevé. La "guerre des talents" y est intense, les compétences sont rares et très demandées. Un taux supérieur à 20 % n'est pas rare, mais il doit être surveillé de près.
- Retail & Hôtellerie-Restauration : Ces secteurs connaissent un turnover structurellement élevé. Il est souvent supérieur à 25 %, voire beaucoup plus, en raison de la nature des contrats (saisonniers, temps partiels), de la pénibilité et des niveaux de rémunération.
- Industrie & Construction : Ces secteurs bénéficient souvent d'une plus grande ancienneté moyenne et d'un turnover plus faible, parfois en dessous de 10 %. La stabilité de l'emploi y est une valeur culturelle forte.
- Santé & Services à la personne : Le turnover y est également élevé, souvent exacerbé par la pénibilité physique et psychologique et un manque de reconnaissance.
Plutôt que de viser un chiffre national abstrait, comparez-vous à votre propre secteur et, surtout, à votre propre historique. L'objectif est de réduire votre taux de roulement par rapport à l'année précédente.
Quelles sont les principales causes d'un taux de roulement élevé ?
Le turnover volontaire est rarement une décision impulsive. C'est l'aboutissement d'un désengagement progressif. Une célèbre étude de Gallup a démontré que l'engagement d'un collaborateur dépend à 70 % de la qualité de son manager. Cela confirme un vieil adage RH : "On rejoint une entreprise, mais on quitte un manager."
Si les raisons de départ sont multiples, elles tournent presque toujours autour de ces cinq axes :
- Le management (la cause n°1)
C'est le facteur le plus critique. Un manque de reconnaissance, une absence de feedback constructif, un micro-management excessif ou un sentiment d'iniquité de traitement sont les premiers vecteurs de désengagement. - Le manque de perspectives d'évolution
C'est la "stagnation". Un collaborateur qui ne voit pas de chemin clair pour sa progression (en compétences, en responsabilités ou en salaire) ira chercher cette évolution ailleurs. C'est particulièrement vrai pour les talents les plus performants. - La rémunération et la reconnaissance
Si le salaire n'est pas la seule motivation, il devient un facteur de départ majeur lorsqu'il est perçu comme non compétitif par rapport au marché, ou, pire, comme inéquitable par rapport à ses collègues (un enjeu clé de l'équité salariale). - La culture d'entreprise et la QVT (Qualité de Vie au Travail)
Un désalignement avec les valeurs de l'entreprise, une mauvaise ambiance de travail, un manque de flexibilité (télétravail, horaires) ou un équilibre vie pro/perso dégradé poussent les salariés à chercher un environnement plus sain. - La charge de travail et les conditions
Une charge de travail structurellement trop élevée ou des outils inadaptés mènent au stress chronique et, à terme, au burn-out. Le salarié part, non pas par manque d'engagement, mais pour se protéger.
5 leviers concrets pour réduire votre taux de roulement
Réduire le taux de roulement ne se fait pas avec une seule action, mais par une stratégie de rétention cohérente. Si les causes sont multiples, les actions doivent l'être aussi. Voici 5 leviers essentiels, basés sur les causes de départ que nous avons identifiées.
- Analyser (vraiment) les départsNe vous contentez pas du motif administratif ("Démission").
Mettez en place des entretiens de sortie (offboarding) structurés et bienveillants. L'objectif : collecter des données qualitatives sur les vraies raisons du départ. Est-ce le manager ? Le salaire ? L'absence de projet ? C'est cette donnée qui orientera vos priorités. - Former vos managers à l'engagement
Le management est le premier levier de la rétention. Formez vos managers (surtout les managers intermédiaires) au feedback régulier, à la reconnaissance, et à la gestion de la performance. Ils doivent passer d'un rôle de "superviseur" à un rôle de "coach" qui développe son équipe. - Offrir de la visibilité et des perspectives
La stagnation est un poison. Bâtissez des parcours de carrière clairs et favorisez la mobilité interne. Un collaborateur qui sait qu'il peut grandir chez vous (même en changeant de département) est un collaborateur qui reste. Assurez-vous que vos processus de promotion sont équitables et transparents. - Garantir l'équité salariale et la transparence
L'iniquité salariale est un puissant moteur de départ. Menez des audits de rémunération réguliers pour corriger les écarts injustifiés. Anticipez la directive européenne sur la transparence des rémunérations en communiquant sur vos grilles de salaire. Un salaire juste et équitable neutralise un irritant majeur. - Piloter l'engagement (avant qu'il ne soit trop tard)
N'attendez pas l'entretien de sortie. Mesurez le "pouls" de vos équipes via des enquêtes d'engagement (pulse surveys) régulières. Ces données vous permettent de détecter les signaux faibles de désengagement et d'agir sur la Qualité de Vie au Travail (QVT) avant que les salariés ne commencent à chercher ailleurs.




